Interview de Bruno Berberes

« Les auditions, c’est la première étape clé ! » martèle Bruno Berberes.

Pour la cinquième fois aux côtés de Roberto Ciurleo sur un projet musical, c’est lui qui en est le dépositaire. Directeur de casting des plus importants télécrochets depuis vingt ans, celui que les médias s’amusent à surnommer « Monsieur Voix » sera à la manœuvre pour dénicher celles qui feront revivre le répertoire de Michel Sardou.

« On ne cherche pas des clones, précise-t-il d’emblée. De toute façon, Sardou a une personnalité vocale trop marquée pour vouloir l’imiter. »

Et de conclure, dans une recommandation : « Si les interprètes veulent s’en inspirer, c’est davantage sur sa spontanéité, sa fougue ! » Un bon conseil à propos vaut bien plus que de l’or…

Candidat Sardou… reçu !

Quand j’observe les images de ses débuts, je vois tous les ingrédients qui feront son succès : personnalité évidente, voix juste et pleine, regard frondeur. Pendant cinquante ans, il n’a eu de cesse de développer tout ça. Si vous prenez une chanson comme Le madras, à ses débuts, vous noterez dans le propos une forme de courage, déjà. Et même – selon moi – mieux que ça : de l’inconscience.

Un répertoire qui fait peur

Le répertoire de Sardou fait peur. Toutes ses chansons ont un positionnement. La maladie d’amour, c’est un positionnement. Les vieux mariés, c’est un positionnement. Le rire du sergent, c’est un positionnement. Et je ne vous parle même pas des chansons que l’on pourrait qualifier d’engagées : Le France, J’accuse, ou encore Les villes de solitude. Dans les chansons de Sardou, rien n’est neutre.

« Des colères monumentales… »

Avec Sardou, il n’y a pas de place pour les bons sentiments ou la neutralité. Dans ses chansons comme dans ses prises de paroles, ce n’est jamais gris. C’est un artiste qui porte une violence méditerranéenne – j’en sais quelque chose puisque, moi-même, je viens du sud ! Il dit les choses comme il les pense. Si tu es d’accord, tant mieux ; si tu n’es pas d’accord, tant pis. Il a un côté net, franc et précis qui – encore plus à notre époque – est assez jubilatoire. Sardou, ça ne prévient pas, ça part !

Une personnalité incontournable… qu’il faut contourner !

La difficulté avec Sardou, c’est qu’il fait partie de la mémoire collective et qu’il a une personnalité vocale très prononcée et qu’il a été un ‘performer’ à tous les stades de sa carrière. Faire oublier toutes ces choses-là, c’est un sacré challenge. Notre chance, si j’ose dire, c’est qu’on ne cherche pas des clones de Michel Sardou.

Un spectacle à son image

Avec les années, j’ai apprécié Sardou de plus en plus. Sans être tiède, il a acquis une forme de sagesse. Entre Le rire du sergent et Le privilège, par exemple, je trouve qu’on perçoit très nettement son évolution. C’est un homme bourré d’empathie, qui est tout le temps dans les sensations. C’est pour ça qu’il dit les choses de manière aussi claire. C’est la sensation qui prime, avant la réflexion – qui, le plus souvent, vient plus tard. Je veux qu’on retrouve les caractéristiques de Michel Sardou dans ce spectacle : la fougue, la spontanéité, l’empathie.

Le casting, étape clé

Un casting, c’est toujours la première étape concrète d’un projet musical comme celui-là. Comme le livret est inédit et que les personnages sont le fruit de son imagination, l’auteur, Serge Denoncourt, aura toute la liberté d’adapter certaines choses, une fois le processus d’audition achevé. Le champ des possibles restera ouvert…

Être un casteur (2020)

C’est mon activité depuis longtemps, mais je fonctionne toujours comme à mes débuts : avec empathie en étant très à l’écoute de mes sensations – vous voyez, j’ai quelques points communs avec Michel Sardou ! Bien chanter – c’est-à-dire, être juste et en rythme – est ce que je pourrais appeler le minimum requis. Tout le reste – le regard, l’interprétation, la gestuelle –, c’est subjectif. Et ce côté subjectif, c’est 80% d’une audition…

Chanter, mais pas que…

Avec les années Michel Sardou est devenu davantage comédien que chanteur – il poursuit d’ailleurs sa carrière au théâtre – mais il a toujours été un grand interprète. Serge Denoncourt est un merveilleux directeur d’acteurs, et je sais qu’il saura guider les artistes dans le jeu, jusqu’à en faire de véritables comédiens. Sur Bernadette de Lourdes, j’ai été stupéfait par le travail qu’il a effectué auprès de la petite Eyma. Il en a fait – je n’exagère pas – une petite Adjani !

J’habite en France

Avant d’affronter l’intelligentsia parisienne le spectacle partira d’abord en tournée à travers la France, et je trouve que c’est une formidable décision prise par les producteurs. Formidable, aussi, parce qu’elle ressemble à Sardou. C’est un artiste qui n’a jamais chanté pour les beaux arrondissements de Paris. Et je sais qu’il a toujours mis un point d’honneur à proposer le même spectacle en tournée qu’à Paris…